L’année dernière, j’ai participé à une conférence sur l’économie circulaire dans la construction. VinterAkademi portait cette année sur les villes. Les villes, comment on devrait les construire et les rendre plus durables, dans tous les sens du terme.

Pas si simple

L’année 2016 nous a fournit plein de réponses à nos interrogations, et une feuille de route sans grosses problématiques. Il s’agissait bien de réutilisation. Réutilisation des structures, puis des éléments des structures si impossible, puis des matériaux, et ainsi de suite. Il y avait des défis, une nouvelle façon de penser, certaines procédures à mettre en place (et donc le défi concomitant : comment ne pas tomber dans l’excès de bureaucratie) mais dans l’ensemble, c’était tout bon.

L’année 2017 quant à elle, nous a fournit davantage de questions que de réponses, et le chemin tracé est flou et peu sûr.

L’objectif est toujours le même

On cherche toujours à diminuer l’impact de l’Humain sur notre environnement. Comment vivre de manière plus harmonieuse ?

On cherche donc à rapprocher les travailleur.se.s de leur lieu de travail, mettre en place des transports en commun plus efficaces. Également permettre une réappropriation des lieux publics par la population (quelque chose à rapprocher des Communs). Ainsi, certain.e.s se plaignent que les bars s’étendent sur les places publiques, mais en fait ces bars sont vecteurs de démocratie (espaces de débats et de discussion informels) et de qualité de vie (réduction de la pression automobile).

Il y a aussi une démarche d’amélioration de l’efficacité énergétique des systèmes urbains (transports plus fluides, plus efficaces, récupération des gaz et de la chaleur des eaux usées, récupération de la chaleur des systèmes industriels, etc).

Comment ne pas déstructurer ?

Les opérations de renouvellement urbain constituent aussi une menace, dans la mesure où elles peuvent détruire le tissu économique et social des quartiers en cours de restauration. On en arrive à des problématiques de gentrification.

Ainsi, le quartier de Gellerup à Aarhus, qui concentre un certain nombre de problèmes sociaux, est aussi un quartier avec une riche vie associative et de nombreuses petites entreprises. Si on déplace les habitants, on détruit ça. Il faut donc impérativement mettre en place une transition : proposer au maximum de gens de se reloger à proximité, justement dans les nouveaux logements construits ou rénovés.

Plans du projet de renouvellement à Gellerup, dans le local de présentation du projet pour les habitants. Plans du projet de renouvellement à Gellerup, dans le local de présentation du projet pour les habitants. Maquette du projet de renouvellement urbain de Gellerup à Aarhus

Quand tu fais un projet, t’essaye de penser à tout…

Cette opération de restauration du quartier sera incontestablement bénéfique : amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, meilleurs équipements sportifs, meilleures écoles, etc. Mais si ça se fait au détriment du réseau d’entreprises et d’associations locales, c’est un peu un raté total.

Le nouveau quartier d’Aarhus Ø a été gagné sur la mer et sur le vieux port industriel. Mais il y a eu de légers ratés : du fait même de son installation sur une presque-île, ce quartier est «à l’écart». Donc jusqu’à très récemment, il n’y avait pas de boutique alimentaire. 20 000 personnes habitent ici, mais il faut faire trois kilomètres et traverser une grande route ainsi que la nouvelle voie de tramway pour acheter un pain. De même, une seule conduite de chaleur, et probablement une seule tranchée de câbles électriques et de fibres optiques. Tout ça s’est avéré sous-dimensionné.

Maquette du port d'Aarhus. Maquette du port d'Aarhus. À mi-plan, Dokk1, la nouvelle bibliothèque principale. En arrière, Aarhus Ø: Navitas, l'école d'ingénieurs, puis la maquette bois de la prochaine phase de dévellopement, enfin au fond, les constructions déjà réalisées. Aarhus Ø: l'artère de communication principale. Aarhus Ø: les diverses zones sur les premiers plans des projets. Aarhus Ø: Shématique projet. Aarhus Ø: Plan général (plus détaillé sur le quartier d'habitation).

Comment inclure les habitants dans le processus décisionnel ? Comment penser le long-terme ?

Bon, là ça devient quand même pas mal compliqué. Les grandes villes (et les états) en sont à faire des planifications à 30 ans, c’est à dire engager des gens qui ne sont pas encore nés, ou d’un autre bord politique, un autre contexte technologique ou social (pour rappel, il y a 15 ans, on avait à peine le début de l’ébauche des réseaux sociaux. Aujourd’hui, ces réseaux sont critiques dans nos sociétés, et en même temps il y a de plus en plus un mouvement de méfiance ou de retrait vis-à-vis d’eux !).

Aarhus Ø a été construit presque ex-nihilo. Du coup le quartier n’a pas encore d’histoire sociale, de vie associative. Les bâtiments comportent tous des salles de vie commune, dans l’espoir affirmé de faire émerger cette vie collective.

On déborde donc sur l’organisation politique, la démocratie locale, l’organisation sociale, etc…

Consommer plus pour consommer moins ?

Ces opérations de renouvellement urbain, construction de transports et d’équipements collectifs, etc… sont très souvent des opérations de grande envergure et fortement énergivores. Comment faire en sorte que le bilan total soit positif ?

De même, en rendant la ville plus dense, on peut la rendre plus efficace (puisqu’on peut aller travailler, étudier, en un mot vivre plus proche et donc consommer moins d’énergie). Mais une ville plus dense, c’est aussi une ville plus stressée, avec souvent moins de qualité de vie.

Datalove

Les nouvelles constructions seront connectées ou ne seront pas.

La conférence se déroulait dans un dome (Dome of the Visions à Aarhus), lequel était lardé de capteurs dans tous les sens. Le but de cette installation de capteurs était clairement de constituer une expérience scientifique à long-terme : comment améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments en fonction de l’occupation et de l’utilisation des humains (et potentiellement des autres animaux présents).

Ce monitoring permanent permettait effectivement de mesurer les besoins en énergie du dome, … et au final permettait une diminution notable de la consommation d’énergie.

Dokk1, la nouvelle bibliothèque centrale d’Aarhus a elle aussi un système domotique très évolué (chaque ouverture de porte est enregistrée dans un journal informatique, les fenêtres et rideaux sont télécommandés, etc).

Est-ce qu’on a besoin de tout ça ? Bah dans de nombreux endroits publics (ou privés), oui. Combien d’immeubles de bureaux restent illuminés le soir ? On peut gager qu’éteindre la lumière (et les ordinateurs des dits-bureaux) permettrait une substantielle économie d’énergie. Et le chauffage et la ventilation (qui sont des éléments très important des factures énergétiques) doivent correspondre au nombre d’utilisateur.rice.s du bâtiment.

Comment travailler avec les préoccupation de vie privée, voir plus largement de protection des personnes ?

J’ai par exemple mentionné que ce dome pourrait être utilisé à des fins de réunions politiques ou syndicales, et que si ça ne posait pas de problèmes au Danemark, ce pourrait être le cas dans d’autres parties du monde, et que donc cette question n’était pas anodine.

Conclusion

L’ensemble de cette réflexion a été résumé à la fin de la conférence dans un manifeste.

J’ai néanmoins du mal à conclure cet article. Comme décrit au début, le sujet croise de nombreux éléments de politique, d’organisation sociale, de technologie.

Ça rejoint beaucoup la réflexion d’Aeris : il ne suffit plus de faire un truc simple (du logiciel libre/isoler massivement sa maison). Il faut s’organiser (une évolution de la gouvernance logicielle/urbaine).