Bon, pour ceux qui n’ont pas suivi, j’ai maintenant un job qualifié.

Le processus de recrutement

Il y avait une annonce pour un emploi d’ingénieur dans une entreprise d’éléments préfabriqués, mais ça se fait par l’intermédiaire d’un cabinet de recrutement. J’ai envoyé ma candidature (un mardi) et j’ai reçu un appel deux jours plus tard (jeudi), pour fixer un premier entretien le jour d’après (vendredi 11 janvier 2017).

L’entretien se passe bien, en danois. La discussion roule sans soucis. Je repars avec l’impression d’avoir plus ou moins gagné. Une semaine plus tard, pas de nouvelles, j’envoie un courriel et je demande au chargé de recrutement ce qu’il en est. Il me répond que l’entreprise est intéressée. Puis à nouveau plus de nouvelles. Pendant tout février.

Je renvois un courriel inquiet et j’appelle deux fois au téléphone. Finalement début mars, le chargé de recrutement me dit que l’entreprise a embauché quelqu’un d’autre, mais qu’ils voudraient quand même avoir un deuxième entretien avec moi. On fixe une date pour mi-mars.

Deuxième entretien, tout aussi bon que le premier, sauf que cette fois ci, je sais que j’ai gagné. Le premier entretien, c’est pour savoir si on correspond au job, le second c’est pour discuter des conditions et détails du job.

Et donc là, je propose un deal. Et je démarre le job deux semaines plus tard, le 3 avril.

On notera qu’entre le moment où on rencontre son futur patron pour la première fois et le moment où on commence à travailler, on a le temps de se faire tuer trois fois, de déménager, et pour les femmes, de tomber enceintes (ou du moins que ça se voit vraiment). On m’a dit que cette période de trois mois était en fait assez courte. :D

COWI, la grande société d’ingénierie danoise, ils mettent six mois à relire les CV qu’on leur envoie. Avant donc d’avoir le moindre entretien.

C’est quoi le deal ?

Le deal, c’est qu’on embauche le Français sur une période d’essai avec salaire volontairement inférieur (un peu hein), mais qui permet effectivement de voir ce qu’il pourrait faire. C’est le modèle danois : on s’arrange bien, du moment que tout le monde est d’accord et y trouve son compte. On fait aussi dans la flexibilité, avec des conditions d’embauche et de licenciement souples.

Au passage, salaire inférieur… mais quand même triple de ce que je gagnais quand j’étais magasinier! Pour la première fois, je n’ai plus d’inquiétude sur les moyens de payer mes factures.

J’ai un statut de fonctionnaire - ce qui n’a rien à voir avec le fait d’être un employé d’état, mais plutôt avec le fait d’être payé au mois plutôt qu’à l’heure. Les ouvriers dans l’usine sont eux payés à l’heure travaillée - avec quotas minimums. Et je travaille à un niveau de technicien (dessinateur béton armé) avec également un accord sur possibilités d’évolution sur des tâches d’ingénieur.

Récemment (jeudi dernier), j’ai eu un entretien avec l’ingénieur en chef et mon patron où on a discuté de comment ca allait se passer après la période d’essai et de ce que chacun souhaitait (moi : évoluer progressivement sur des tâches ing’, montrer mes compétences; eux : disposer de quelqu’un qui a un bon coup d’oeil sur la géométrie, avec le dessinateur et l’ing’ en même temps). J’ai quand même eu un petit moment de frayeur quand on m’a demandé ce que je voulais vraiment à l’avenir. La mentalité danoise, c’est quand même l’honnêteté, donc je me suis lancé avec beaucoup de tact sur le fait que dessiner à longueur de temps, c’était pas super, mais que j’étais OK, ca fait partie du deal pour montrer que je voulais avancer au bon rythme, pas brûler les étapes.

Mon contrat va donc être prolongé (tranquille, je peux déménager) même si on garde globalement des conditions de licenciement souples (un mois de préavis je crois).

Alors oui, les gauchos de service diront qu’il y a toujours une insécurité, que je peux être mis à la porte, qu’en plus j’ai un salaire inférieur… Devinez quoi : même en France, le statut ne protège pas tant que ça. Si vous devez virer, vous virerez. Et globalement j’ai plus confiance dans mon patron actuel que dans un industriel français quand bien même mon contrat de travail actuel est moins protecteur !

C’est comment de travailler ici ?

Et bien c’est assez cool.

Déjà faut voir que l’ambiance est excellente. Le matin, on a le petit déjeuner payé par l’entreprise (confiture, beurre, pain blanc ou aux légumes, etc). Le vendredi c’est extra-luxe avec des pâtisseries danoises et des petits pains ronds.

Confiance

Mes collègues me font spontanément confiance. Le mangement reste light et je peux partir à l’heure qui me convient. Ca ne veut pas dire qu’on ne vérifie pas le boulot de chacun, mais bien que j’ai une grande liberté d’organisation dans le travail qui m’est assigné. Je vais juste naturellement m’arranger avec les autres pour voir quand on doit rendre tel ou tel dessin en premier, qu’est-ce qui nécessite une coordination en plus. On m’a aussi fait comprendre que je pouvais envoyer des courriels en danois à l’extérieur (ce qui constitue quand même une grosse preuve de confiance).

Respect

J’ai mis énormément d’énergie à apprendre le danois. Aujourd’hui, je ne regrette rien. Mon patron m’a dit que cet effort à apprendre la langue, à travailler avec la mentalité danoise, à faire preuve de modestie, à aller voir dans l’usine comment ca fonctionnait et comment faire mieux, ça m’avait fait gagner beaucoup de respect.

J’ai eu peur à un moment que le vieux chef d’équipe me voit arriver avec mes gros sabots et me renvoie dans mes cordes quand je lui poserais des questions.

Lui le Français là, faut pas qu’il essaye de me faire chier…

Mais au contraire, ca c’est super bien passé quand j’ai montré que je ne voulais pas faire la leçon mais bien apprendre de lui, comprendre comment il allait faire son travail suivant mes dessins…

Finalement…

Je te dis, c’est atroce l’esclavage social-libéral-démocrate, je comprends bien pourquoi vous refusez ça en France !