Ce texte est une compilation de plusieurs dialogues et/ou réponses à débats concernant les entreprises françaises. Dans un grand moment d’énervement, j’ai décidé de le mettre sur mon blog et qu’à chaque fois que j’en ai besoin, je puisse copier-coller le lien.

Cet article sera mis à jour à chaque fois que je trouverais un truc pertinent. Restez à l’écoute.

L’entreprise, tu ne critiquera point.

En France, on a du mal à avoir une saine critique des entreprises. L’État, les impôts, les syndicats, oui, on critique. Les entreprises, pas trop. Ce qui est quand même un peu aberrant. J’ai tendance à penser que l’entreprise devrait être un lieu où justement, on critique et on fait sa propre auto-critique, dans le but de s’améliorer en permanence. On devrait notamment en profiter pour réfléchir sur les procédures, sur leur sens et leur efficacité.

Je crois que lorsque l’on fait face à un problème, la première chose à faire, c’est se poser soi-même cette question…

«Que puis-je faire pour y remédier ? Quelle est ma part de responsabilité dans ce problème ?»

C’est une attitude tellement non-française. Les Français sont tellement râleurs et croient si facilement que c’est l’autre qui doit changer…

Épanouissement au travail

Il y a des emplois qui, malheureusement, quoi qu’on fasse, ne seront guère épanouissants. (Travail à la chaîne dans les usines, techniciens de surface…). Ils sont pourtant nécessaires à la vie quotidienne.

Ce n’est pas une raison pour qu’ils soient ch**. Moi je trouve des gens qui sont assez contents dans ces jobs. Au Danemark.

Qu’est-ce qu’un emploi épanouissant ? La définition dépend de chacun.

Bah non en fait, la définition est assez connue.

Un emploi épanouissant, c’est un emploi qui utilise au mieux tes talents, développe tes compétences aussi bien personnelles que professionnelles, et ce dans le but que tu puisse toujours produire davantage et ne soit pas enfermé·e dans ce même emploi.

Un emploi épanouissant utilisera aussi au mieux tes capacités d’innovation, ta créativité, ton initiative personnelle dans le cadre de ton travail. On te laissera aussi une grande marge de manœuvre pour organiser ton travail justement, de manière à ne pas brider ton énergie et ta motivation et aussi bien sûr parce que tu sais toi-même mieux que personne quand tu es efficace et pourquoi.

En clair : pas de micro-management.

Les entreprises ne pourront guère plaire à tout le monde, et surtout, satisfaire tout le monde. D’ailleurs, tu ne parles que des entreprises, mais la fonction publique n’est pas plus jolie de ce côté-là.

C’est vrai. Il est tout aussi important de lui taper dessus.

D’une manière globale, un emploi épanouissant doit donc se passer dans une ambiance détendue mais professionnelle, et avec le management le plus léger possible (là ça commence à gripper).

Une bonne partie de l’encadrement en France fait en fait du management par la peur et le stress.

Pénibilité

La pénibilité du travail a été maintes fois évoquée. Il y avait un temps, je ne sais plus si c’est d’actualité, le compte pénibilité, qui a été un cauchemar à mettre en place pour de nombreux chefs d’entreprise compte-tenu du flou des critères.

Ça ne veut pas dire que ce n’est pas légitime ni qu’il ne faut pas s’en occuper. Comment font les autres pays ? L’Allemagne, la Scandinavie ? Bah on a des postes de travail adaptés, on fait changer les gens de boulot quand on voit que les gens ne sont plus à l’aise. Le résultat c’est que les gens travaillent mieux, en meilleure santé, et plus longtemps. C’est juste une bonne organisation du travail. C’est pas insurmontable, ça dépend pas de la taille du pays ou je ne sais quoi… Et surtout on a pas cherché à compenser. On a cherché à éliminer, supprimer la pénibilité, ou la diminuer fortement.

Macron qui lors d’un speech assume ne pas aimer le mot pénibilité parce que ça signifierait que le travail puisse être quelque chose de pénible, Merci Captain Obvious, me met profondément en colère. Il réforme le pays mais cet aspect des choses le laisse de marbre. Il se voile la face, il nie le problème et l’assume.

Bureaucratie

Les entreprises françaises sont peut-être bureaucratiques (même si je ne suis pas certaine de savoir à quoi tu fais allusion), mais c’est aussi parce que l’état leur impose un certain nombre de réglementations auxquelles ils doivent se conformer. Je ne suis pas absolument certaine que les entreprises adorent la bureaucratie, qui les couvre certes en cas de pépin, mais qui nécessite un poste de dépenses et d’investissements (parce qu’il faut payer le personnel qui s’occupe de cette bureaucratie et adapter le matériel aux nouvelles normes) parfois important.

Celui-là je l’attendais. Alors l’État leur impose de la bureaucratie… Non. Enfin, pas tout le temps.

Je vais prendre pour exemple le cas d’un ingénieur chantier, compétent, gérant un truc énorme sur un chantier à un demi-milliard d’euros. Le type il se faisait chier, ça se voyait sur son visage. Pourquoi ? Bah parce qu’à chaque fois qu’il fallait changer un truc, il fallait faire intervenir l’ingénieur méthodes, qui devait alors proposer un nouveau plan, lequel devait être validé par on ne sait qui…

Je passe par contre sur le fait que les normes de sécurité sont par contre la première bureaucratie qu’on cherche à supprimer. Ça oui, pas de problème…

Sinon, bureaucratie :

https://mcorbin.fr/posts/2020-05-03-wtf-sysadmin/ -> article dépublié par l’auteur. Dommage.

Et on en a des tonnes d’autres. Je me souviens notamment de procédures bancaires absurdes où on devait faire revenir un client pour signer un papier… Mais ça pouvait pas être préparé à l’avance… Non. Kafka.

Sinon, la banque c’est aussi quand tu demande si ta banque propose des formes d’investissements pour particuliers et celle-ci répond “Non, on a pas.” Ou quand tu demande un RDV par courriel, fournis diverses informations pour permettre à ton banquier de préparer le RDV et que lorsque t’arrive, celui-ci te demande “Que puis-je faire pour vous ?” … Lire mon courriel ?.

Je peux aussi donner l’expérience de ma mère, travaillant en France, dans une entreprise danoise. Lorsqu’elle a un problème informatique, elle doit prendre un RDV avec un technicien français et faire valider ça par le siège (au Danemark). Aucune entreprise danoise ne pondrait un truc aussi absurde mais bon…

Non, on a vraiment pas besoin que l’état nous impose sa paperasse. Les entreprises trouvent toujours un moyen d’en imposer à leurs clients et salariés.

Je passe le fait qu’un bon nombre d’entrepreneurs s’estiment au dessus des lois, au dessus du commun des mortels parce que …

Je fournis de l’emploi…

… comme on fournit du pain. Ou de l’accès internet…

Un état d’esprit bien arrogant, souvent. Comme si, si tu n’avais pas monté ta boîte, tu n’étais pas si digne de respect ? En somme, ils se voient comme des super-héros.

Entre la théorie de l’entreprise et la pratique, il y a une dichotomie assez violente. Beaucoup d’entrepreneurs que j’ai pû lire n’assument pas que la violence qu’ils dénoncent dans l’état, les impôts, les réglementations, ils l’imposent eux-mêmes à leurs propres salariés et même parfois leurs clients, voir qu’elle vient de là !

Par exemple quand tu te rends compte que si t’es pas sorti de la cuisse de Jupiter (les grandes écoles et les aristos), alors finalement, tes compétences ou ta créativité n’auront pas tant d’importance que ca.

J’ai été incredule quand j’ai entendu (à plusieurs reprises) les louanges de médias internationaux sur les grandes entreprises francaises, surtout quand elles étaient qualifiées de “au top de la compétition”. Et j’ai pensé “Elles sont où ces supers-entreprises ? Parce que moi jusqu’ici, je vois vraiment pas ca hein !”

Quand l’entreprise s’efforce de ne pas faire son boulot.

Je peux également revenir sur les entreprises en délégation de service public qui déploient de la fibre mais refusent de laisser entrer des clients. Celle-là elle est bien.

On a la carte là : https://fibre.ffdn.org/#rating

La méthode là : https://fibre.ffdn.org/metho.html

Continuons…

L’un de mes problèmes réguliers c’est de trouver des fringues. La mode locale est … uniforme… et peu colorée. Mais en France, on a des bonnes fringues, et qui plus est à des prix corrects ! Essayons donc d’acheter des fringues sur la boutique en ligne d’une grande chaîne d’habillement française (dont je tairais le nom).

La boutique fournit effectivement ce que je veux… en France. Pas en Europe ! Ils peuvent super facilement envoyer des paquets à l’autre bout du continent (merci l’UE) et les transactions bancaires sont tout aussi simples. D’après Wikipedia, il y a plus d’un demi-million de Français établis dans l’UE. Français qui constituent donc d’excellents clients pour cette boutique d’habillement en ligne. Et bien non, on va pas envoyer une chemise par colis postal simple à l’étranger. Non.

Parlons à nouveau de banque tient… Une banque qui refuse de te laisser utiliser ton argent, c’est quoi ?

On a aussi l’exemple d’un grand industriel de la construction dont j’ai pû entendre les pratiques mais aussi les constater : on chiffre au plus serré, mais après, on fait intervenir des juristes, on trouve des failles dans les contrats, on se défile de certaines responsabilités, tout cela pour avoir des ralonges et des surfacturations.

Ce groupe industriel ne fait pas de l’argent avec ses chantiers (en fait, plusieurs professionnels assûment que ce groupe perd de l’argent sur certaines constructions), il fait son bénéfice réel autour. Ca s’appelle comment quand tu ne fais pas ton profit sur ton activité majeure ?

Nouvel essai, avec la banque encore une fois : 2020, annus horibilis.

Ne pouvant pas rentrer pour Noël, j’essaye d’acheter, en ligne, depuis le Danemark, des pates de fruits d’Auvergne pour ma chère grand-mère et les faire envoyer à son adresse, en France. La banque de la confiserie refuse mes paiements avec mes trois cartes bancaires - parce que les cartes n’ont pas été émises en France. Je ne vois que cela. Ils auraient fait comment si j’avais essayé d’acheter dans la boutique physique ?

Ipv6

On tombe là sur un de mes sujets favoris. Ipv6. Autrement dit le protocole internet qu’on devrait tous utiliser aujourd’hui si le plan de transition avait été suivi. Il se trouve donc que les entreprises françaises ont trainé les pieds comme on pouvait s’y attendre. En 2013, le patron d’OVH disait qu’on était tranquille.

@iMilnb rien qu’en France chaque FAI a un stock d’IPv4 qui lui permet de doubler le nombre d’abonnés. IPv6 ? on se détend, c’est l’apéro ;)

Pourtant, devine quoi ? En 2016, Free doit partager des adresses entre plusieurs clients.

En l’occurence, on ne peut pas blâmer l’entreprise, puisqu’elle a pris les devants, et depuis longtemps : Free est le réseau français «grand public» le mieux préparé. Mais internet lui (les autres entreprises, réseaux, etc), n’est pas au point.

Quelle aurait dû être la politique des grandes entreprises IT ? Demander à leurs administrateurs de s’auto-former le plus tôt possible, introduire des clauses ipv6 dans les achats de matériels et de logiciels, revoir tous leurs propres logiciels - et en profiter pour solder de la dette technique. Et ainsi de suite pour pouvoir très progressivement et à coût constant ou presque, faire une transition vers ipv6 en interne, puis ouvrir vers leurs clients. C’est ce qu’ont fait plusieurs grands groupes internationaux. J’ai vu des videos de conférences qui le montrent bien. Est-ce que c’est ce qui s’est passé en France ? Apparemment pas trop.

Les gens n’aiment pas aller au boulot.

Sinon, pour encore mettre de l’eau au moulin, je peux indiquer le cas de mon père qui était à quelques années de la retraite, mais encore bien portant. Il est néanmoins un peu fatigué, ça se comprend. Donc il demande à ce que ses astreintes soient allégées. Il a fallu qu’il fasse constater ça à la médecine du travail, qui lui a demandé ce qu’il voulait, il a alors pu demandé que les astreintes soient effectivement réduites et faire garantir ça à l’Inspection du Travail. Son entreprise aurait pu se débrouiller pour le garder plus longtemps sur des postes d’encadrement, d’organisation, puisque lui connaît ce qu’il fait. Non, ils ont pourri l’affaire.

Bon bah il s’est barré le plus tôt possible. Et globalement c’est ce que cherchent à faire les gens. C’est ce que martèle la gauche et l’extrême-gauche.

Ici, on a l’un des économistes qui est derrière la reforme des retraites de Macron qui le reconnaît : même quand on donne un bonus aux gens pour qu’ils travaillent quelques années de plus, non, ils veulent quand même se barrer tôt. C’est donc pas seulement un truc de gauchiste.

https://www.arte.tv/fr/videos/094771-000-A/retraites-cotiser-plus-ou-travailler-plus/

J’ai essayé de trouver des chiffres pour donner une statistique, parce que je reconnais que les exemples donnés ne sont pas forcement représentatifs. J’ai pas trouvé.

Mais je pense qu’on peut dire que le fait qu’on ait toujours régulièrement des grèves et des manifestations monstres à la moindre annonce d’une réforme sociale est bien la preuve qu’une grosse partie de la population n’aime pas son boulot. Et on ne parle pas que de petits boulots. On parle aussi de gens qualifiés, voire très qualifiés.

Pourquoi ?

Pour toutes ces raisons, j’ai fini par avoir peu de respect pour les entrepreneurs. Pas pour les individus. Mais pour la classe sociale. La fonction.

On a une étrange impression de perversion. Ou est-ce une dissonance cognitive ? Des entrepreneurs producteurs de richesses et d’innovation, on passe à corruption et conservatisme. D’une éthique protestante weberienne, on passe à l’arrogance et au mépris pour ceux qui n’ont pas choisi ce mode de vie.

On m’a souvent dit que je devrais monter mon entreprise. C’est une remarque fréquente un peu partout. Sur LinkedIn, sur diverses réseaux sociaux mais aussi et surtout dans la vraie vie, à l’Université ou ailleurs.

Tu n’as pas monté ton entreprise ? Pourquoi ne le fais-tu pas ? Qu’est-ce qui te retiens… ?

Bah justement. C’est tout ca qui me retient. Je n’arrive pas à me voir comme un entrepreneur parce que je n’arrive pas à avoir du respect, je n’arrive pas à dépasser cette perversion de la fonction creatrice.

J’ai écris cet article entre autre pour témoigner de cette vision de l’entrepreneuriat francais.