Billet d’humeur, billet contemplatif, billet d’analyse…

Je regarde la situation française de loin, avec une autre lucidité aujourd’hui. Vivre dans un autre pays, une autre culture donne une forme de détachement et de recul que je n’aurais pas si j’étais resté en France. La France est un pays de conflit, je l’ai déjà dit et je m’en désole, mais ceci n’est pas mon choix. Dans ce conflit permanent, difficile de se poser et de faire des propositions qui satisfassent le plus grand monde.

Pays de conflit

Donc pas trop l’art du compromis. Le compromis, le consensus, ce n’est pas l’abandon du progrès, l’oubli des idées, c’est juste trouver les solutions qui marchent, bon an mal an, pour le plus grand nombre, les solutions les moins pires.

Le projet de retraites par points me paraît plein de possibilités. Émancipateur, puisque sortant l’individu des carcans sociaux. Simple, puisque ce qui compte, c’est en fait un nombre de points cotisés, et ce quelle que soit le statut ou l’entreprise, intérimaire pour deux jours, employé pour trois ans, fonctionnaire à vie.

Plusieurs Frances s’affrontent.

… se juxtaposent, s’entrechoquent, pas forcement incompatibles ni irreconciliables par ailleurs. Ces Frances sont toutes co-responsables du conflit actuel. Et donc ont toutes une part à jouer dans sa résolution.

Il y a d’abord la France des travailleurs, immense corps silencieux dans cet affrontement titanesque.

Il y a ensuite la France des régimes spéciaux, accrochée à ses statuts sociaux.
Eux aussi travailleurs, demandent, que dis-je demandent ? Éxigent le retrait pur et simple du projet, considérant que le système actuel n’a pas à être remis en cause puisque parfait, et s’il faut le prouver, on a qu’à invoquer le reste du monde qui nous l’envie, paraît-il. Système parfait puisqu’issu du fameux CNR. Donc intouchable.

Il y a aussi la France dynamique, mouvante, qui entreprend, qui change de travail quand elle le doit ou quand l’actuel ne lui plait plus. Cette France veut sortir des carcans. Quand d’autres au contraire voient dans ces «status, règles, droit du travail», un progrès social.

Il y a encore la France des patrons, honnie d’un côté, célebrée de l’autre et qui, contente d’elle-même, évite la critique.

Loin de moi de vouloir mettre les uns contre les autres.

Chacun devrait au contraire se comprendre, s’accepter, pour avancer.

La France des régimes spéciaux met en avant la pénibilité de son travail et de fait, la justice sociale qu’il y a à partir plus tôt, récompense dûrement méritée pour une vie parfois loin de sa famille. Certes.

La France a laissé tombé, depuis longtemps, l’idée de l’épanouissement au travail. Combien de fois j’ai entendu de récits d’absurdités, d’une culture d’entreprise archaïque. Combien de critiques j’ai moi-même formulé.

De ce fait, il est évident que beaucoup souhaitent juste en finir, le plus vite possible.

Les alternatives sont pourtant évidentes et ma fois nombreuses :

  • change de travail - si tu es employé…
  • améliore ton entreprise - si tu es patron…
  • plaque tout et monte ton entreprise, toi aussi - si le cœur t’en dis…

La critique est facile, l’art est difficile.

Et pourtant trop peu de gens préfèrent remettre en cause leur place, alors que le changement est au contraire la seule constante universelle. La physique a rejoint les sciences sociales.

Mais puisque le travail de certains est dûr, que ne demandent-ils pas au contraire d’obtenir des points gratuits suivant leur pénibilité, que ne le font-ils pas inscrire dans leur convention collective ou leur accord de branche ? La justice sociale serait alors rétablie dans le cadre de la réforme actuelle, et avec les outils mêmes mis en place pour permettre cette flexibilité sociale, cette considération au cas par cas.

Les danseurs de l’Opéra de Paris peuvent partir à 40 ans. Vous ne pouvez peut-être plus virvolter sur les planches à 50 ans, personne ne le conteste. Néanmoins, vous pouvez, à 40 ans, suivre une formation et entamer une seconde carrière, pleine de promesses elle aussi.

La France n’imagine plus l’épanouissement au travail, mais elle a aussi du mal avec la mobilité professionnelle.

62, 64, 67 ?

Le gouvernement en profite pour faire passer une mesure d’age. Mesure necessaire, puisque l’on vit plus longtemps. Certains me diront que l’on travaille mieux, qu’on produit plus, et que cette richesse doit permettre de payer une plus longue retraite. Oui, mais on consomme aussi plus. Une maison aujourd’hui vaut bien davantage qu’une maison il y a quarante ans.

Cela ramène sur la table le sujet de l’emploi des séniors, de l’épanouissement au travail, de la gestion du stress et de l’humain. Aux patrons de changer leur modèle, de se mettre eux aussi à la page. Au gouvernement d’abandonner cette mesure, pour permettre une sortie du conflit ; quitte à la renégocier plus tard.

Je n’ai pas envie de répondre à toutes les critiques de tous les bords, il y aurait trop à dire. Mais le dialogue est possible, necessaire, et tout le monde doit y contribuer, car nul n’est épargné.

N’oublions pas que la France est et restera un pays humaniste, libéral et social, quoiqu’en disent les uns et les autres.

Je vous souhaite à tous une bonne année.