Dans la tête d'un polyglotte
Quelque chose dont j’ai voulu parler durant longtemps, mais je n’en ai jamais eu l’occasion.
C’est quoi le binz ?
Je parle trois langues européennes, donc relativement proches et toujours dans la même aire culturelle. Ce serait sûrement plus violent avec d’autres langues étrangères, comme asiatiques, africaines ou américaines.
Mais en fait donc, j’utilise tous les jours (ou presque) mes trois langues : du francais, de l’anglais, du danois.
Je lis du francais tous les jours, dans les journaux, sur internet, et je parle régulièrement en francais. Il y a le club francophone d’Aarhus - C.A.F.E pour ceux qui connaissent : club associatif des francophones enthousiates - et je croise régulièrement des francais ou des francophones un peu partout.
Je travaille en danois, j’entraine les gens aux tir-à-l’arc, je lis… en danois.
Je regarde la TV, YouTube en anglais, je lis aussi en anglais. Non mais franchement, y a pas longtemps j’ai lu l’integrale de The Expanse (et vu la série TV) dans la version originale (anglais Américain).
J’ai une grosse partie de ma vie sociale en anglais. Ou en danois. Ou en francais. En fait dans un mélange de ces trois langues.
Polyglotte power ! Sådan !
Il se passe quoi quand tu parle plusieurs langues ?
Et donc le truc qu’il se passe, c’est que fréquemment, je sais plus quelle langue je parle.
Je ne me pose pas de question. En fait, je ne sais pas non plus vraiment quelle langue j’écoute non plus. Ca marche tout seul.
C’est extrémement étrange de se voir poser une question et de s’entendre donner la réponse, mais pas dans la bonne langue.
Hein ?
Ça, ça arrive notammant quand je suis en train de regarder ou écouter une video en francais ou anglais. Un collègue arrive, me pose une question. Et parce que mes processus mentaux sont actuellement dans la langue de la video, alors je répondrais dans cette langue.
Et donc du coup, souvent, bah je melange les langues…
Oui, quand je dois passer d’une langue à l’autre, je m’embrouille. Je dois vraiment me concentrer, faire un effort pour que ça sorte dans la bonne langue.
Quand j’ai vécu un évennement, j’aurais envie d’en parler, de le raconter dans la langue dans laquelle je l’ai vécu.
Une conférence à laquelle j’aurais participé, j’en parlerais bien mieux dans la langue en question. Parce que cette conférence s’est passée dans un contexte culturel spécifique, avec un vocabulaire spécifique, donc ca viendra mieux dans la langue dans laquelle s’est tenue la conférence.
Comme un petit gout de privilège…
Il m’est devenu tellement courant de lire ou regarder la TV en anglais que j’en oublie que le reste de mes concitoyens n’ont pas cette chance.
J’ai par exemple fréquemment envie de partager ou envoyer un article, un texte, une vidéo en anglais à des amis.
Sauf que ces amis, ils ne parlent que francais. Je suis donc obligé de partager une traduction avec. Ca va pour un extrait court. C’est beaucoup moins évident dans le cas d’élements culturels complexes comme des articles de journaux sur la geopolitique.
Le fait d’avoir trois langues m’a ouvert à davantage de cultures et de points de vue. En particulier l’anglais, le latin moderne, bien sûr. Mais pas seulement.
Je peux maintenant discuter avec des gens de tous horizons, de toutes les cultures. Idaho, Australie, Israël… No problemo. Je comprends davantage les problèmes du monde et ce qui importe pour ces gens.
Emporte-toi, le naturel reviens au galop
Mais il n’empêche, quand je m’emporte à jurer comme un charretier, c’est en francais.
C’est dans cette langue, ma langue maternelle, que s’exprime les émotions fortes comme la frustration ou la joie.
Et donc quand mes collègues m’entendent beugler comme un putois, en francais, c’est là qu’il savent que je suis en plein sur une tâche compliquée. Bizarrement, on vient rârement me déranger dans ces moments là…